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ne pas parler de sa visite à la synagogue aux Mallinger, que le baronnet aurait sans doute raillée et traitée d’enthousiasme quichotique.

Les impressions qu’il reçut de ce petit incident vibrèrent plus activement en lui lorsqu’il pensa au devoir qui lui incombait de soigner le bien-être de Mirah. Cette question sur sa naissance, qui lui apparaissait plutôt comme une menace que comme une promesse de révélation, avait donné plus de force à son anxiété sur les parents de Mirah ; il résolut, en conséquence, de ne procéder à leur recherche qu’avec une extrême prudence. S’il faisait une découverte fâcheuse, il n’était pas tenu de révéler ce qui aurait pu lui causer de la peine.

Il avait écrit à madame Meyrick qu’il irait la voir à quatre heures. Il trouva Mirah assise à travailler avec la petite mère et Mab ; Kate et Amy étaient sorties. L’exquise propreté de sa chevelure et de sa toilette, l’air de quiétude parfaite répandue sur son visage, comparé avec l’aspect de ses traits quand il l’avait vue pour la première fois, furent un contraste délicieux pour Deronda. Elle avait la même pensée ; car, après les salutations obligées, elle lui dit :

— Voyez combien je diffère de la créature que vous avez trouvée sur le bord de la rivière ! C’est parce que vous m’avez amenée où je pouvais être le mieux.

— C’est ma bonne étoile qui m’a conduit vers vous. Tout autre homme aurait été heureux d’en faire autant.

— Je ne crois pas ; c’est vous et non un autre qui m’avez trouvée et qui avez été bon pour moi.

— Je suis d’accord avec Mirah, dit madame Meyrick. C’est un mauvais saint à invoquer que saint Quelqu’un.

— Et puis, quelqu’un ne m’aurait pas amenée chez vous, repartit Mirah en souriant à madame Meyrick. Je préfère être avec vous plutôt qu’avec toute autre, excepté ma mère.