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relevé rejetait gracieusement en arrière les flots abondants de sa chevelure.

— Je ferais une tolérable sainte Cécile avec des roses blanches dans les cheveux ; mais que dites-vous de mon nez, maman ? Je ne crois pas que les saintes aient eu le nez relevé. Vous auriez bien dû me donner votre nez si parfaitement droit ; il se serait prêté à tous les rôles indistinctement. Le mien n’est qu’un nez heureux ; il ne jouerait pas bien la tragédie.

— Oh ! ma chère enfant ! tous les nez possibles peuvent être misérables en ce monde, dit madame Davilow avec un gros soupir.

— Ah ! maman, s’écria Gwendolen d’un ton de reproche, vous n’allez pas être triste, j’espère ! Vous me gâtez tout mon plaisir. Nous pouvons être heureuses maintenant. Qu’avez-vous qui vous chagrine ?

— Rien, chère. Je serai assez contente si je te vois heureuse.

— Il faut que vous soyez heureuse vous-même, reprit Gwendolen en l’aidant à s’habiller et en la caressant. Ne peut-on pas être heureux quoiqu’on ne soit plus jeune ? Avec mes sœurs si ennuyeuses, avec Jocosa si terriblement gauche et laide, si vous êtes encore triste, à quoi serai-je bonne ? Je veux que vous soyez heureuse maintenant.

— Je le serai, ma chérie, dit madame Davilow en donnant une petite tape amicale à la joue qui se penchait vers elle.

— Bien sûr, vous ne ferez pas semblant ? dit Gwendolen en insistant. Voyez donc ces mains ! et ces bras ! bien plus beaux que les miens. Chacun peut voir que vous avez été bien plus belle que je ne le suis.

— Oh ! non, ma chère. J’ai toujours été un peu épaisse. Je ne fus jamais moitié si charmante que toi.

— Eh bien ! à quoi me sert d’être charmante, si c’est