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— Il m’est facile de rester à Londres, monsieur.

— Non, non ! lady Mallinger et les enfants ne peuvent se passer de toi pour Noël. Seulement, ne me fais pas de tort, — à moins que tu n’aies un duel avec Grandcourt et que tu ne le tues, — ce qui vaudrait bien la peine de supporter un petit inconvénient.

— Je ne crois pas que vous m’ayez jamais vu folâtrer avec les dames, dit Daniel, que ces plaisanteries n’amusaient pas.

— Oh ! ce n’est pas bien sûr, objecta sir Hugo d’un ton provocant. Tu regardes toujours tendrement les femmes et tu leur parles d’un petit ton jésuitique. Tu es dangereux, mon gaillard. Tu es une sorte de Lovelace qui fera courir les Clarisse après lui, au lieu de courir après elles.

À quoi bon se fâcher d’une plaisanterie de mauvais goût ? Ce que sir Hugo venait de dire lui était particulier ; mais, quant à lui, Deronda était sûr de n’avoir jamais folâtré avec les femmes, et même de n’avoir fait la cour à aucune. Néanmoins, il était content que le baronnet ne sût rien du rachat du collier de Gwendolen ; car il en aurait profité pour satisfaire son penchant à la raillerie. Il se tiendrait sur ses gardes à l’avenir, surtout dans ses rapports avec madame Meyrick, où il devait aller faire sa première visite depuis son retour de Leubronn ; car, certainement, Mirah était une créature à laquelle il était difficile de ne pas témoigner un tendre intérêt, tant par les regards que par les paroles.

Madame Meyrick n’avait pas manqué d’envoyer à Deronda un rapport sur l’état de bien-être de Mirah chez elle. « Nous l’aimons chaque jour davantage, écrivait-elle ; à l’heure du déjeuner, nos regards ne quittent pas la porte en attendant son entrée ; nous l’examinons, nous l’écoutons, comme si elle arrivait d’une contrée inconnue. Il n’est pas encore sorti de sa bouche un mot qui puisse me faire douter d’elle.