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quelque part, et qu’il devait lui donner le jour de leur mariage. En ce moment, où elle était assaillie de sensations confuses, cette diversion lui fit plaisir.

Le papier cacheté qui enveloppait le paquet couvrait une boîte dans laquelle se trouvait un écrin ; elle ne douta plus que ce fussent les diamants ; mais, en l’ouvrant, elle aperçut un papier en forme de lettre posé sur les brillants. Elle en reconnut sur-le-champ l’écriture et sentit comme un aspic qui serait venu la mordre au cœur. Ses forces l’abandonnèrent. Elle ouvrit la lettre d’une main tremblante ; les caractères étaient aussi lisibles que s’ils eussent été imprimés et chaque mot la transperça d’un coup de poignard.

« Ces diamants, lui disait-on, qu’un amour ardent mit un jour aux pieds de Lydie Glasher, elle vous les passe. Vous avez manqué à la parole que vous lui aviez donnée, afin de vous emparer de ce qui était à elle. Peut-être pensez-vous être heureuse comme elle l’a été autrefois, et avoir de beaux enfants comme les siens, dont ils prendront la place. Dieu est trop juste pour le permettre. L’homme que vous avez épousé a le cœur flétri. Le meilleur amour de sa jeunesse a été pour moi ; vous ne pouvez me le prendre comme vous avez pris le reste. Il est mort cet amour, et je suis la tombe dans laquelle votre bonheur est enseveli, comme le mien. Vous avez été prévenue ; vous avez préféré me faire du mal, ainsi qu’à mes enfants. Il avait voulu m’épouser ; il m’aurait épousée à la fin, si vous n’aviez manqué à votre parole. Vous aurez votre châtiment ; je le désire de tout mon cœur.

» Lui donnerez-vous cette lettre pour le tourner contre moi et nous ruiner davantage, mes enfants et moi ? Aimerez-vous à vous tenir devant votre mari avec ces diamants sur vos épaules et mes paroles dans sa pensée comme dans la vôtre ? Pensera-t-il que vous aurez le droit de vous