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tenue, elle était digne d’être « une dame titrée » ; quant au visage, peut-être pensa-t-on qu’une teinte un peu plus rosée ne l’aurait pas gâté ; mais, puisque le fiancé non plus n’avait pas le teint coloré, le couple était d’autant mieux assorti. En tout cas, il devait l’aimer et on pouvait espérer que jamais aucune allusion ne sortirait de sa bouche pour lui rappeler qu’elle avait été sur le point d’entrer en service comme gouvernante et que sa mère devait aller habiter Sawyer’s Cottage, vicissitudes dont on avait beaucoup jasé au village.

Jamais Gwendolen n’avait fait preuve de plus d’élasticité dans son maintien, de plus de vivacité dans son beau et long regard brun ; elle avait l’éclat que donne une forte surexcitation provenant quelquefois d’une peine. Ce n’était pourtant pas de la peine qu’elle éprouvait ; la condition d’esprit dans laquelle elle se trouvait, avait quelque ressemblance avec celle qui la domina lorsque Daniel la vit commencer à perdre à la table de jeu. Ce matin-là, elle n’aurait pas pu dire qu’elle se repentait d’avoir accepté Grandcourt ; la crainte même d’un sombre avenir n’aurait pu ternir l’éclat de la scène dont elle était le sujet principal. Elle n’offrait en rien l’image de la fiancée larmoyante et tremblante.

— Je rends grâces à Dieu que tu te sois si bien comportée, chère enfant, lui dit madame Davilow, pendant qu’elle aidait sa fille à se défaire de sa robe blanche et à revêtir sa toilette de voyage.

— Vous auriez pu parler ainsi au cas où j’aurais été obligée de partir pour chez madame Mompert, ô ma chère, ma triste, mon incorrigible maman ! dit Gwendolen en caressant sa mère et en lui souriant avec tendresse. — Puis, s’éloignant un peu et ouvrant les bras comme pour se faire voir : — Me voici madame Grandcourt ! s’écria-t-elle. Auriez-vous désiré que je fusse autre chose ? Vous savez bien que vous