Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne vous fais point de reproches, je ne vous demande que de me laisser faire ce que je désire. Ne me suis-je pas bien conduite ? Vous m’avez tout repris, et, quand je vous demande un fétu de paille, une vétille, vous me refusez !

Tout cela, quoique haché, avait été débité très vite ; après une légère pause, elle reprit d’une voix plus claire et plus lente :

— Je ne tolérerai pas que vous me refusiez !

Grandcourt crut à un accès de démence ; il vit qu’il ne pourrait arriver à ses fins qu’en consentant à ce qu’elle voulait. La domestique entra au même instant pour annoncer que la voiture attendait. Quand elle fut sortie, il lui dit d’un ton de mauvaise humeur :

— Eh bien, nous irons à Ryelands.

— C’est là qu’ils lui seront remis, répondit Lydie avec décision.

— Très bien ! je pars.

Il n’avait aucune envie de lui tendre la main, elle l’avait trop ennuyé. Mais, maintenant qu’elle avait gagné sa cause, elle consentit à s’humilier pour l’apaiser.

— Pardonnez-moi, je ne vous tourmenterai jamais plus, dit-elle avec un regard suppliant, et pourtant intérieurement elle se disait : « C’est moi seule qui aurais à pardonner ! » Mais elle était obligée de céder.

— Vous ferez bien de tenir votre promesse. Vous m’avez rendu malade avec votre folie, dit Grandcourt, pour qui cet énoncé était ce qu’il pouvait dire de plus fort.

— Pauvre garçon ! répliqua Lydie avec un faible sourire.

Hélas ! la moindre de ses actions, depuis le matin, ne l’avait-elle donc pas rendue malade, elle ? Mais, malgré tout, puisqu’il consentait à la laisser faire, elle était prête à l’amadouer afin de se séparer à peu près réconciliés. Elle lui mit la main sur l’épaule et il ne la repoussa pas.