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vous rendre ce que vous appelez votre bien, ce serait différent ; ce serait une raison pour me traiter comme si vous me haïssiez. Mais je ne vous demande que fort peu de chose. Dites-moi où vous irez après votre mariage, et j’aurai soin que les diamants soient remis sans scandale. Sans scandale, répéta-t-elle en insistant.

— Des caprices aussi déraisonnables rendent une femme odieuse, dit Grandcourt. À quoi bon parler à une folle ?

— Oui, je suis folle ! l’abandon m’a rendue folle ! Accordez-moi ce que je vous demande. — Les sanglots lui montaient à la gorge. — Si vous me permettez cette seule folie, je serai très douce je ne vous ennuierai plus jamais ! — Elle n’y put tenir davantage ; elle tomba dans un accès d’hystérie, pleura, sanglota et répéta sans cesse, presque en criant : — Je serai très douce après cela !

Grandcourt demeura interdit. Ce désir capricieux, cette violence enfantine étaient des choses toutes nouvelles chez Lydie ; elles ne s’accordaient pas avec sa personne ; toujours elle s’était tenue avec dignité. Pourtant, elle semblait plus traitable dans cet état que dans sa première attitude défiante. Il s’approcha d’elle et lui dit de son ton voilé, mais impérieux :

— Calmez-vous et écoutez ce que j’ai à vous dire. Je ne vous pardonnerai jamais si vous vous présentez de nouveau et si vous faites une scène.

Elle passa son mouchoir sur ses yeux, et quand elle put reparler, elle dit de cette voix sourde qui suit les sanglots :

— Je ne le ferai pas, si vous me laissez agir à ma guise ; je vous promets de ne plus me représenter. Je ne vous ai jamais manqué de parole ; mais vous, combien de fois cela vous est-il arrivé avec moi ? Quand vous m’avez donné ces diamants pour les porter, vous ne pensiez pas à une autre femme. Et maintenant, je consens à les rendre ; je