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— Tout ceci ne sert qu’à rendre notre prochaine rencontre terriblement difficile. Quel autre ami que moi avez-vous ?

— C’est bien vrai !

Ces mots s’échappèrent comme un gémissement, et les paroles blessantes ne reparurent plus. Grandcourt, qui avait pris ses dispositions pour demeurer jusqu’au soir à Gadsmere, aurait bien voulu raccourcir sa visite ; mais il n’y avait pas d’autre train que celui qu’il avait décidé de prendre pour son retour, et il avait encore à parler à Lydie du second objet de sa visite, ce qu’il ne voulait pas taire immédiatement.

Il fallait donc laisser s’écouler le temps. L’heure du dîner sonna. Les enfants rentrèrent dans la chambre. Pour Lydie ce fut une petite consolation de les avoir auprès d’elle : à les voir si beaux, elle ressentait une gloire sauvage, comme pour reprocher à Grandcourt son indifférence envers elle et envers eux. Il se conduisit en homme bien élevé ; il amusa la petite Antonia, que sa calvitie étonnait, et calma Henleigh en lui promettant une jolie selle et une bride. Les deux filles aînées seules, qui le connaissaient depuis plus longtemps, étaient avec lui d’une timidité qu’il ne parvint pas à dissiper. Devant les domestiques, Lydie et lui échangèrent quelques mots ; mais, sans cela, ils ne se parlèrent pas.

Quand le soir fut venu, on alluma les bougies et ils se trouvèrent de nouveau seuls. Grandcourt regarda sa montre et dit avec indifférence :

— Il y a encore une chose dont j’ai à vous parler, Lydie. Mes diamants…, vous les avez.

— Oui, je les ai, répondit-elle en se levant et en croisant les bras. Elle s’attendait à cette question et avait résolu de répondre à sa façon, sans cependant l’exaspérer.

— Ils sont ici, je suppose ?

— Non, ils ne sont pas ici.