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rendre malheureuse. J’ai fait ce voyage pour vous dire ce à quoi il faut vous décider ; les enfants et vous, vous serez pourvus comme d’habitude, et il faut en finir…

Silence. Elle n’osait pas répondre.

— Cela vaudra mieux pour vous, reprit-il. Vous pouvez continuer de résider ici ; je compte placer une somme importante pour les enfants ; vous pourrez alors demeurer où vous voudrez. Vous n’aurez plus à vous plaindre. Quoi qu’il arrive, vous serez en sûreté. Je n’ai rien pu faire d’avance ; tout s’est passé si vite !

Grandcourt cessa de parler ; il n’attendait pas de remerciements, mais il pensait que, raisonnablement, elle devait être satisfaite, si toutefois quelque chose pouvait satisfaire Lydie. Elle ne changea pas de visage, et, au bout d’une minute, il continua :

— Je ne vous ai jamais donné sujet de croire que je ne serais pas généreux. Je ne fais aucun cas de l’argent.

— Alors je dois supposer que, si vous en faisiez cas, vous ne nous en donneriez pas, répondit Lydie, incapable de retenir ce sarcasme.

— Ce que vous dites là est diablement méchant, répliqua Grandcourt toujours de sa voix basse ; je vous conseille de ne pas le répéter.

— Vous m’en puniriez en réduisant les enfants à la mendicité ?

En dépit d’elle-même, les paroles amères sortaient de sa bouche.

— Il n’est pas question de réduire les enfants à la mendicité, répliqua Grandcourt, sans élever la voix. Je vous préviens seulement de ne pas dire des choses dont vous pourriez vous repentir.

— Je suis habituée à me repentir, s’écria-t-elle douloureusement. Vous vous repentirez peut-être aussi ! Vous vous êtes déjà repenti de m’avoir aimée