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avait conclu qu’il viendrait sans doute à Gadsmere, et sa supposition était juste car, au moment où elle la faisait, il en prenait le chemin. Elle n’était pas sans espoir que contrarié d’avoir vu sa conquête lui échapper, il pourrait bien être plus disposé à revenir à ses premières intentions.

Grandcourt avait en vue deux objets importants en venant à Gadsmere : d’abord, d’apporter lui-même la nouvelle de son prochain mariage, afin d’en finir tout de suite avec cette première difficulté ; ensuite, d’obtenir de Lydie qu’elle lui rendît les diamants de sa mère que depuis longtemps déjà il lui avait confiés, lorsque, dans le feu de sa passion pour elle, il avait voulu qu’elle les portât. Ces diamants n’étaient pas « des montagnes de lumière », mais ils valaient plusieurs milliers de livres, et nécessairement, il désirait les avoir pour sa femme. La première fois qu’il les avait redemandés à Lydie, uniquement pour les déposer à la Banque, elle avait tranquillement, mais absolument refusé de les lui rendre, en déclarant qu’ils étaient en toute sûreté chez elle, et enfin elle lui avait dit :

— Si jamais vous épousez une autre femme que moi, je les lui donnerai. Épousez-vous une autre femme ?

Grandcourt n’insista pas n’ayant pas alors de motif pour tenir à cette restitution, et sa disposition naturelle à exercer son empire en domptant ou en désappointant les autres, avait toujours cédé devant Lydie.

Madame Glasher était assise dans la chambre où elle passait ses matinées avec ses enfants. La fenêtre donnait sur une large pelouse descendant jusqu’à un petit ruisseau qui allait se perdre dans l’étang. Les meubles, la vieille table de chêne, les chaises en cuir fauve étaient encombrés de jouets d’enfants, de livres, d’outils de jardinage, sur lesquels le portrait de la mère, peint au pastel et suspendu au mur, jetait un sourire d’indulgence.