Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je crois que oui.

— Alors, vous ne vous opposez pas à la chasse ?

— Je l’excuse, car c’est un péché dans lequel je tombe volontiers, quand je ne canote pas ou que je ne joue pas au criquet.

— Vous opposez-vous à ce que je chasse ? demanda-t-elle avec un mouvement de tête impertinent.

— Je n’ai le droit de m’opposer à rien de ce que vous voulez.

— Vous avez cependant pensé que vous aviez le droit de vous opposer à ce que je jouasse, ajouta-t-elle en insistant.

— J’en ai été peiné ; mais je ne sache pas que je vous aie fait aucune objection, répondit-il avec sa droiture de regard habituelle.

Ses yeux avaient une particularité qui troublait bien du monde ; ils étaient d’une intensité sombre, mais douce, qui semblait exprimer son intérêt pour celui sur lequel ils se fixaient. C’était cette sorte d’effet qui pénétrait Gwendolen.

— Vous m’avez empêchée de jouer de nouveau, répliqua-t-elle.

Mais à peine eut-elle prononcé ces mots, qu’elle rougit ; Deronda rougit aussi, car il venait de se convaincre que, dans la petite affaire du collier, il avait pris une liberté contestable.

Continuer cet entretien devenait impossible ; elle alla vers la fenêtre en se disant qu’elle avait stupidement exprimé ce qu’elle ne voulait pas qu’il sût, et cependant elle se sentait heureuse de l’avoir fait. Deronda, non plus, n’en était pas fâché. Gwendolen lui parut beaucoup plus attrayante, et certainement il s’était produit chez elle des changements en mieux depuis Leubronn.

Le soir, sa mère lui dit :

— En a-t-il été réellement ainsi, ou bien n’est-ce qu’une