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avait eu miss Arrowpoint, et avec elle mon bien, du diable s’il n’aurait pas eu une jolie principauté !

Deronda ressentit moins d’éloignement à avancer la visite projetée, qu’il n’en avait éprouvé quand l’invitation lui en fut faite. Le drame du mariage de cette fille l’intéressait. Ce qu’il avait appris par Lush sur sa fuite loin de l’homme qu’elle allait prendre pour époux, la lui faisait voir sous un jour nouveau. C’était probablement la brusque transition de sa mondanité fiévreuse à la pauvreté qui l’excitait à accepter ce qui, autrement, aurait été répulsif pour elle. Tout cela impliquait une nature sujette à se prêter aux difficultés et aux luttes, éléments de vie qui avaient toutes ses sympathies, dues peut-être à ses conjectures sur sa propre histoire. Mais, dans le mouvement qui l’avait poussé à racheter le collier de Gwendolen, et qui existait encore dans son cœur, il y avait plus que de la compassion : il y avait de la fascination pour ce caractère de femme.

Il écrivit donc pour annoncer sa visite à Diplow et reçut en réponse l’assurance polie qu’on l’attendait avec le plus grand plaisir. Ce n’était pas tout à fait faux. Grandcourt pensa que cette visite était suggérée par le désir de sir Hugo de lui faire une proposition qu’il était assez disposé à accepter ; il souriait avec satisfaction à l’idée que ce joli garçon, qu’il croyait son cousin, serait témoin, et non sans jalousie probablement, du spectacle de Henleigh Mallinger Grandcourt jouant le grand rôle de fiancé de la belle jeune femme que le susdit cousin avait déjà regardée avec admiration.

Grandcourt n’était jaloux que de ce qui aurait pu menacer son autorité, et il ne se sentait pas disposé à la laisser s’amoindrir.