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rant sa main et en relevant impertinemment la tête. Je ne veux pas qu’on dise que je suis comme les autres femmes.

— Je n’ai pas dit cela, objecta Grandcourt en la regardant avec sa langueur habituelle. Vous n’êtes pas comme une autre femme.

— Et que suis-je, je vous prie ? fit-elle en s’éloignant d’un petit air de menace.

Grandcourt fit une pause avant de répondre,

— Vous êtes la femme que j’aime.

— Oh ! que c’est joli ! s’écria-t-elle en riant.

— Eh bien, dites-moi aussi quelque chose de joli ; dites-moi quand nous nous marierons.

— Pas encore ; pas avant que nous ayons fait un temps de galop. J’en ai tellement soif que je ne puis penser à autre chose. Je voudrais que la chasse fût déjà commencée ! Dimanche, 20 ; lundi 27 ; mardi… Elle comptait sur ses doigts en regardant Grandcourt, et, enfin, elle s’écria d’un air de triomphe : — Elle commencera dans dix jours !

— Marions-nous dans dix jours alors, dit Grandcourt.

— Qu’est-ce que les femmes répondent à une pareille demande ?

— Elles consentent, répondit le prétendu, qui n’était plus sur ses gardes.

— Alors je refuse ! répliqua-t-elle en mettant ses gants et en lui lançant des regards pétillants de malice.

La scène était charmante pour tous deux. Un amoureux moins habile aurait perdu le spectacle de ces jolies manières et de ces attitudes coquettes ; il aurait tout gâté par de stupides tentatives de caresses et complètement détruit le drame. Or, Grandcourt préférait le drame, et Gwendolen, mise à l’aise, trouva que son esprit s’élevait graduellement.

Si Klesmer l’avait vue dans cette sorte d’action inconsciente, au lieu de la voir quand elle essaya d’être théâtra-