Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les enfants qui pourraient venir se placer entre Grandcourt et les siens, et Gwendolen, qui comprenait ce sentiment, fut amenée à chercher une autre manière de concilier les droits. « Peut-être n’aurons-nous pas d’enfants, se dit-elle. J’espère que nous n’en aurons point. Alors il pourra laisser l’héritage au beau petit garçon. Mon oncle dit que M. Grandcourt peut disposer à sa guise de l’héritage, mais ce n’est que quand sir Hugo mourra qu’il y en aura assez pour deux. » Cette réflexion lui fit paraître madame Glasher bien déraisonnable, en demandant que son fils fût le seul héritier. La double propriété était une sécurité que Grandcourt en se mariant, ne lui ferait point de tort, surtout quand sa femme était Gwendolen Harleth, dont la fière résolution ne pouvait être justement accusée.

Quoi qu’il en soit, lorsqu’elle fut coiffée, elle descendit dans son costume de cheval, afin de rompre avec ses réflexions. Elle avait besoin de se fouetter le sang pour retrouver son ancienne hardiesse.

— Remontez, maman, et faites-vous belle, dit-elle en se tournant vers madame Davilow, qui descendait l’escalier. Mettez votre pointe de dentelle sur la tête ; je veux que vous ressembliez à une duchesse.

Lorsque Grandcourt lui eut pris galamment la main pour la baiser, il vit qu’elle avait la bague.

— C’est bien à vous, lui dit-elle avec gravité, d’avoir pensé à tout en m’envoyant ce paquet.

— Si j’oublie quelque chose, vous me le direz, répondit-il en gardant sa main dans les siennes. Je ferai ce que vous désirerez.

— Mais je suis très déraisonnable dans mes désirs, dit-elle en souriant.

— C’est à quoi je m’attends. Les femmes le sont toujours.

— Alors je serai raisonnable, s’écria Gwendolen en reti-