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dormit pas beaucoup pendant la nuit. L’insomnie était une chose rare pour sa vigoureuse jeunesse ; mais ce qui était encore plus rare, c’est qu’elle fit tout son possible pour que sa mère ne s’en aperçût pas. Elle était dans un état d’esprit tout nouveau. Accoutumée à se sentir sûre d’elle, et toujours disposée à dominer les autres, elle venait cependant de faire un pas décisif, bien qu’elle eût pensé d’abord ne pas le faire, et qu’elle se crût obligée à ne pas le faire. Elle ne pouvait plus reculer, et pourtant elle était tourmentée. La brillante position qu’elle avait tant désirée, avec la liberté imaginaire que lui procurerait le mariage, s’étalait devant elle ; mais il s’y mêlait l’image de cette femme au visage émacié et de ses enfants, de Grandcourt et de ses relations avec elle. Cela devint un supplice qu’elle ne put endurer plus longtemps, et elle s’écria :

— Maman !

— Que veux-tu, ma chérie ? répondit aussitôt madame Davilow.

— Laissez-moi venir auprès de vous.

Elle ne tarda pas à s’endormir. La matinée était avancée quand elle se réveilla ; en ouvrant les yeux, elle vit sa mère debout devant son lit, tenant un petit paquet.

— Je suis fâchée de te réveiller, mon trésor, mais j’ai cru bien faire. Le groom vient d’arriver à cheval, amenant Critérion ; il dit qu’il doit rester ici.

Gwendolen s’assit sur son lit et ouvrit le paquet. C’était un charmant petit écrin contenant une magnifique bague en diamant avec une lettre conçue en ces termes :

« Portez, je vous prie, cette bague comme gage de nos fiançailles quand je viendrai à midi. J’enferme ici un chèque au nom de M. Gascoigne pour les dépenses immédiates. Il est bien entendu que madame Davilow restera à Offendene, au moins quelque temps encore. J’espère que