Le changement de situation avait quelque chose de magique. Il n’y a qu’un instant, c’était un avenir répulsif et monotone, auquel il lui était impossible d’échapper, qu’elle avait devant les yeux ; à présent, le moment de choisir était venu. Cependant, ce ne fut pas un sentiment de triomphe qui fit battre son cœur, mais plutôt de terreur. Elle ne savait que résoudre ; elle aurait désiré pouvoir dire à Grandcourt de ne pas venir. Les réflexions ne furent pas longues, mais assez cependant pour que madame Davilow s’impatientât et lui dit avec une grande douceur :
— Il est indispensable que tu répondes, mon enfant ; — ou bien dois-je le faire pour toi ? — Tu me dicteras ce qu’il faut écrire.
— Non, maman ; veuillez me donner la plume et le papier. Il n’y a pas de raison pour s’alarmer si le domestique attend quelques minutes ; les domestiques sont faits pour attendre. On n’a pas supposé que je répondrais à l’instant même.
— Non, ma chère, répondit madame Davilow, qui avait préparé tout ce qu’il faut pour écrire, et qui avait été s’asseoir en reprenant un ouvrage à portée de sa main ; il peut attendre encore un quart d’heure si cela te convient.
C’était là une réponse très simple et une action encore plus simple ; mais elle n’aurait pu mieux calculer pour engager sa fille à se hâter.
— Je ne pense pas, dit Gwendolen en rejetant en arrière les boucles de ses cheveux et surexcitée par un sentiment de contradiction, je ne pense pas qu’il faille attendre que votre travail à l’aiguille soit fini.
— Mais si pourtant tu ne te sens pas en état de décider ?
— Il faut que je décide, s’écria Gwendolen en allant s’asseoir à son bureau. Alors, elle se consulta, comme une personne qui cherche un moyen d’échapper à une décision qui lui coûte. Pourquoi lui dirait-elle de ne pas venir ? Elle ne se liait en rien. Il avait couru après elle jusqu’à Leu-