Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’humiliait mortellement ? N’était-ce pas une nouvelle manière de lui témoigner son mépris et de continuer son rôle de Mentor insolent ? Les larmes amères de la mortification roulèrent sur ses joues. Personne encore n’avait osé la traiter avec ironie ou mépris. Une seule chose désormais lui paraissait claire : c’est qu’il fallait partir à l’instant, car il lui était impossible de reparaître au salon et plus impossible encore de se mettre au jeu en courant le risque de voir Deronda. Un coup frappé à sa porte lui apprit que le déjeuner était servi. D’un mouvement fébrile, elle jeta dans son nécessaire collier, mouchoir et papier, s’essuya les yeux et la figure, puis, reprenant son empire sur elle-même, elle alla rejoindre ses amis.

Ses traces de larmes et de fatigue s’accordèrent assez bien avec le récit qu’elle fit de son rappel à la maison par un motif qui était, elle le craignait, une peine pour sa mère. Ainsi qu’elle s’y attendait, on protesta contre son idée de partir seule ; mais elle persista.

Elle comptait prendre place dans un compartiment réservé aux dames et partirait directement. Elle pouvait parfaitement reposer dans le train et ne craignait rien.

Voilà comment il se fit que Gwendolen ne reparut plus au salon de jeu et partit le mercredi soir pour Bruxelles.

Le samedi matin, elle arrivait à Offendene, qu’elle et sa famille s’attendaient à devoir bientôt quitter.