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vendre ces bijoux. Vous ne pensiez pas qu’il faudrait nous en défaire, quand vous me les avez donnés, il y a déjà longtemps.

— Si c’est possible, j’aime mieux les conserver pour toi, chérie, dit madame Davilow qui vint s’asseoir auprès de sa fille, soulagée de la voir enfin parler d’autre chose que de ses ennuis. Leurs relations étaient renversées ; c’était maintenant la mère qui s’efforçait d’égayer la fille. Mais pourquoi ce mouchoir se trouve-t-il là ? C’était celui au coin arraché que Gwendolen y avait jeté avec le collier de turquoises.

— C’est par hasard… J’étais pressée, répondit Gwendolen en mettant le mouchoir dans sa poche. Ne vendez pas ce collier, maman.

— Non, mon enfant, non ; il provient d’une chaîne que portait ton pauvre père. Je voudrais bien aussi ne pas vendre les autres bijoux ; ils ne sont pas de grande valeur. Il y a longtemps que les meilleurs m’ont été enlevés.

Madame Davilow rougit, car elle évitait de parler des faits et gestes du beau-père de Gwendolen, qui s’était emparé des joyaux de sa femme et en avait disposé à son gré. Après un silence d’un moment, elle reprit :

— Nous n’avons pas compté sur eux ; emporte-les avec toi.

— C’est inutile, maman, répondit froidement Gwendolen. Les gouvernantes ne portent point de bijoux.

— Quelle idée, ma chérie ! Je suis certaine que les Mompert aimeront mieux que tu sois élégante et gracieuse.

— Je ne suis pas sûre le moins du monde de ce que les Mompert aimeront que je sois. C’est assez que l’on espère que je sois comme ils le désirent, ajouta-t-elle d’un ton d’amertume.

— Si tu as la moindre répugnance à aller chez l’évêque, dis-le-moi, Gwen. Dis-moi ce que tu as dans le cœur. Je ferai ce que tu voudras. Ne me cache rien.