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les garçons, ils pourront se suffire. Toute la fortune que notre pauvre père nous a laissée est perdue. Je n’ai plus rien à moi ! Il vaut mieux que tu saches tout, mais mon ceeur saigne en te l’écrivant. Quel malheur que tu sois partie comme tu l’as fait ! Je ne te le reproche pas, ma chère enfant ; je voudrais pouvoir t’éviter tout chagrin. Pendant ton trajet tu auras le temps de réfléchir sur notre situation et de te préparer aux changements inévitables que tu trouveras ici. Nous quitterons très probablement Offendene, et j’espère que M. Haynes, qui désirait l’occuper avant moi, sera disposé à le reprendre. Nous ne pouvons nous réfugier au presbytère où pas un coin n’est libre. Il faut que nous trouvions un gîte quelconque et que nous vivions de la charité de ton oncle Gascoigne, en attendant que j’aie trouvé quelque chose à faire. Une fois les domestiques payés, je ne sais si je serai à même de m’acquitter envers les fournisseurs. Appelle à ton aide tout ton courage, ma très-chère enfant, et résignons-nous à la volonté de Dieu.

» Hélas ! c’est la faute de M. Lassmann si nous sommes dans cette malheureuse faillite !

» Tes pauvres sœurs ne peuvent que pleurer avec moi et ne me sont d’aucun secours. Quand tu seras ici, peut-être notre ciel s’éclaircira-t-il. Il ne m’est pas possible de me figurer que tu seras dans la pauvreté. Si les Langen prolongent leur séjour sur le continent, tu trouveras, je l’espère, quelqu’un pour t’accompagner ; mais reviens en toute hâte auprès de ton affligée et affectionnée mère

 » FANNY DAVILOW »

Gwendolen, au premier moment fut atterrée de cette lettre. La conviction que sa destinée devait être brillante et libre de tout tracas était plus fortement enracinée encore dans son esprit que dans celui de sa mère. Il lui était aussi