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essuyant avec douceur les larmes qui roulaient sur les joues de madame Davilow. Qu’à cela ne tienne ! je ferai quelque chose ; tout ira bien. La situation vous paraissait désespérée parce que j’étais absente. Allons, allons ! il faut être gaie maintenant que me voilà ici.

— Dieu te bénisse, mon cher trésor ! fit la bonne mère qui oubliait tout, en la contemplant avec une sorte d’adoration ; je serai heureuse si tu l’es.

Quand Gwendolen, après avoir fait sa toilette, descendit au salon, fraîche comme un cygne qui vient de se baigner, elle ne se faisait encore aucune idée de l’infortune qui avait frappé sa famille. Prête à tout entendre, elle s’assit sur le sofa et dit d’un ton délibéré :

— Qu’avez-vous résolu de faire, maman ?

— Mon enfant, il nous faut d’abord quitter cette maison. Heureusement, M. Hayes est disposé à la prendre ; l’intendant de lord Brackenshaw doit tout terminer avec lui.

— Lord Brackenshaw, j’en suis sûre, vous laisserait bien ici sans vous faire payer de location, maman, dit Gwendolen, qui ne s’était pas appliquée aux affaires avec autant de discernement qu’à l’admiration excitée par ses charmes.

— Ma chère fille, lord Brackenshaw est en Écosse et ne sait rien de nos malheurs. Du reste, que ferions-nous dans cette maison, sans domestiques et sans argent pour la chauffer ? Plus tôt nous en serons dehors, mieux cela vaudra. Nous n’avons rien à emporter que nos hardes et nos vêtements.

— Alors vous pensez aller vivre à l’étranger ? fit Gwendolen, qui s’était familiarisée avec cette idée.

— Oh ! non, mon enfant. Comment pourrions-nous voyager ? Tu n’as jamais rien su, concernant les revenus et les dépenses, dit, en essayant de sourire, madame Davilow, qui posa doucement sa main sur celle de Gwendolen et qui ajouta tristement : — C’est bien dur pour toi, mon ange.