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— C’est la plus belle histoire du monde !

— Naturellement, Mab, dit Amy, puisque c’est la dernière que tu as entendue. Tout ce qui te plaît est, à son tour, le meilleur.

— On ne peut appeler cela une histoire, dit Kate ; c’est un fragment historique rapproché de nous au moyen d’un puissant télescope. Nous voyons les figures des soldats ; non, c’est plus que cela : nous pouvons entendre tout ; nous pouvons presque sentir battre leurs cœurs.

— Appelle-la comme tu voudras, dit Mab en jonglant avec son dé ; appelle-la le chapitre des révélations. Elle me fait désirer quelque chose de bon, de grand. Elle me fait aimer Schiller ; je voudrais prendre le monde dans mes bras et le couvrir de baisers ! Il faut que je vous embrasse à sa place, petite mère !

Et elle jeta ses bras au cou de madame Meyrick.

— Chaque fois que tu es ainsi, Mab, tu fais tomber ton ouvrage, dit Amy. Si tu veux faire quelque chose de bon, finis ton coussin et ne le salis pas.

— Oh ! oh ! oh ! grommela Mab en ramassant son ouvrage et son dé. Je voudrais avoir trois conscrits blessés à soigner !

— Tu serais capable de renverser leur tisane en parlant, dit Amy.

— Pauvre Mab ! fit la mère. Ne sois pas dure pour elle. Donne-moi ma broderie maintenant, mon enfant. Continue et lâche la bride à ton enthousiasme ; moi, je vais finir ce pavot rouge et blanc.

— Eh bien, maman, je vous crois plus caustique qu’Amy, dit Kate en se retirant pour mieux juger de l’effet de son dessin.

— Oh !… oh !… oh !… fit de nouveau Mab en croisant les bras. Je voudrais qu’il arrivât quelque chose d’extraordinaire. Je suis comme si le déluge allait venir. Les