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lui devint secondaire : il travailla pour lui et avec lui ses classiques, afin de pouvoir lui conserver ses chances d’agrégation. Hans, voulant laisser ignorer ses souffrances à sa mère et à ses sœurs, allégua un surcroît de travail pour pouvoir passer les fêtes de Noël à Cambridge, où son ami resta avec lui.

Cependant Deronda négligeait forcément ses mathématiques, et Hans lui disait :

— Mon cher vieux, pendant que vous venez à mon aide, vous risquez gros pour vous.

Mais Daniel n’admettait pas qu’il courût aucun risque et une double sympathie le rendait indifférent : d’abord il voulait que Hans ne manquât pas l’agrégation, et ensuite il reprenait de l’intérêt pour ses anciennes études classiques. Dès que Hans put se servir de ses yeux et travailler, Deronda piocha pour rattraper le temps perdu. Il échoua cependant ; mais il eut la satisfaction de voir réussir Meyrick. Le succès personnel qu’il ne put remporter fut pour lui de peu de conséquence ; toutefois, sa conviction d’avoir perdu son temps à un travail aride et répugnant lui inspira du dégoût pour les études universitaires et il pensa sérieusement à quitter Cambridge. Néanmoins, il était prêt à se soumettre aux objections fondées que lui ferait sir Hugo.

La joie et la reconnaissance de Hans ne furent pas sans mélange de chagrin. Il croyait aux préférences alléguées par Daniel ; mais il comprenait aussi qu’en lui rendant service, son ami pouvait s’être placé à son désavantage dans l’opinion de sir Hugo, et il lui dit d’un air attristé :

— Si vous aviez réussi, sir Hugo aurait accepté de meilleure grâce votre demande de nous quitter. C’est par dévouement pour moi que vous avez perdu cette chance et je ne puis rien pour réparer ce tort.

— Vous le pouvez très bien ; arrivez à l’agrégation supé-