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d’insouciance, ou commettait des choses qui ne proviennent d’ordinaire que des plus détestables coutumes.

Néanmoins, Hans était un aimable garçon, et il trouva en Deronda un ami constant, dévoué et surtout compatissant pour ses courtes aberrations, lesquelles, sans lui, auraient pu être suivies d’un long repentir. Hans était plus souvent dans la chambre de Daniel que dans la sienne ; il lui faisait part de ses études, de ses affaires, de ses espérances ; il lui parlait de la pauvreté de sa maison et de son amour pour les êtres chéris qui l’habitaient ; de sa résolution de les tirer de cette situation, et de son envie de lutter pour acquérir une fortune qu’il partagerait avec sa mère et ses sœurs. Il ne demandait aucune confidence en retour et considérait Deronda comme un Olympien n’ayant besoin de rien. Daniel était content et reportait tout son intérêt sur Meyrick ; il le surveillait dans ses moments erratiques, mettait toute son adresse à l’aider de son argent et à détourner de lui toute chance malfaisante. Meyrick voulait arriver à l’agrégation et les succès importants qu’il obtint sur bien des matières furent probablement dus à l’influence amicale de Deronda.

Mais une imprudence, commise par Meyrick au commencement de l’automne, faillit compromettre ses espérances. Avec son alternation habituelle entre une dépense superflue et une privation pour lui-même, il avait payé de presque tout son argent une vieille gravure qui l’avait fasciné, et, pour se rattraper, il était revenu de Londres dans un wagon de troisième classe, la figure exposée à une bise piquante et aux corpuscules de terre et de charbon que le vent chassait devant lui. Il en résulta une inflammation des yeux si grave, que, pour un instant, on craignit de ne pouvoir jamais les guérir. Dans une inquiétude affreuse, Deronda résolut de se dévouer à son ami ; il voulut être les yeux de Hans, et toute autre occupation