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— Non, non. J’aimerai à te voir réussir ; mais, pour Dieu, ne me reviens pas comme un idiot instruit, à l’exemple du jeune Brecon qui a eu un double prix et qui ne sait que faire aujourd’hui. Ce que je désire pour toi, c’est un passeport dans la vie. Je ne fais point de reproche à notre système universitaire ; nous avons besoin d’un peu de culture désintéressée pour tenir tête au coton et au capital, spécialement à la Chambre. Mon grec s’est évaporé et s’il me fallait faire à l’improviste un vers latin, je crois que j’en attraperais une attaque d’apoplexie. Mais cela a formé mon goût, et je puis dire que mon anglais en est meilleur.

Sur ce point, Daniel garda un respectueux silence. Il n’avait pas été le plus grand des piocheurs à Eton ; bien que certaines études fussent pour lui aussi faciles que de diriger un canot, il n’était pas de l’étoffe dont on fait les écoliers de première classe. Il avait la passion des grandes connaissances, mais il était modeste, et il acceptait le second rang comme un fait qu’il ne pouvait empêcher. Daniel avait, ce qui est bien rare, une fervente sympathie, une activité d’imagination pour le bien des autres, qui se produisaient par des actes fréquents que ses condisciples traitaient quelquefois d’excentricité morale.

L’impression qu’il fit à Cambridge fut la même qu’à Eton ; on convint qu’il aurait pu arriver à la première place si ses stimulants naturels avaient été assez forts pour l’y pousser. Au commencement, son travail à l’Université eut pour lui une nouvelle saveur : pou disposé à continuer les exercices classiques d’Eton, il s’appliqua aux mathématiques pour lesquelles il avait montré de bonne heure de l’aptitude ; voulant faire plaisir à sir Hugo, il travailla vigoureusement pour obtenir un prix à la fin de l’année. Mais bientôt se présenta l’ancienne objection qui avait grandi avec lui ; les épreuves de l’examen lui paraissaient ridicules ;