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sensible à son peu de prévenance à Cardell-Chase ; elle s’imaginait sans doute qu’il allait s’inquiéter et intercéder auprès d’elle, mais ce n’était pas du tout ce qu’il comptait faire. Pendant une semaine entière il ne fit aucun préparatif de départ et ne s’enquit même pas de savoir où miss Harleth était allée. Lush triomphait, mais sa joie était cependant troublée par un peu de doute, car Grandcourt ne lui disait pas un mot de Gwendolen, et il ne savait comment interpréter ce silence.

Les invités de Diplow furent plus que leur hôte avides d’en savoir des nouvelles. — Comment se faisait-il que l’on n’entendît plus rien de miss Harleth ? Était-il croyable qu’elle eût refusé M. Grandcourt ? Lady Flora Hollis, aimable femme déjà sur le retour, mais douée d’une bonne dose de curiosité, ne put résister à son envie de faire, avec madame Torrington, une tournée au presbytère, à Offendene et à Quetcham, où elle apprit que miss Harleth était partie pour Leubronn avec des amis, le baron et la baronne von Langen ; car madame Davilow et M. Gascoigne ne voulaient pas que l’on pût attribuer la disparition de Gwendolen à de l’excentricité ou à un motif qu’il fallait tenir caché ; le recteur même s’imaginait que le mariage n’était que différé, car madame Davilow n’osa pas lui dire avec quelle énergique décision sa fille s’était exprimée.

Nantie de ces nouvelles, lady Flora essaya de galvaniser Grandcourt, en lui faisant entendre qu’elle le considérait comme un adorateur désappointé. Il l’écouta tranquillement, mais avec la plus grande attention, et, le lendemain il ordonna à Lush de trouver une excuse décente pour congédier à la fin de la semaine les invités de Diplow ; car il voulait aller naviguer sur son yacht dans la Baltique ou ailleurs. Il devenait clair pour Lush que Grandcourt entendait aller à Leubronn ; il mit donc tout en œuvre pour se rendre indispensable et réussit à être du voyage ;