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situation actuelle de sa fille. Sa mélancolie habituelle s’était dissipée.

Après la collation, quelques messieurs s’éloignèrent un peu pour fumer un cigare, le commencement du concours ne devant avoir lieu qu’à quatre heures. Grandcourt était de ce nombre, mais pas M. Lush, qui avait l’air de prendre plaisir à se rendre utile, qui se multipliait, qui ordonnait tout, mais que Gwendolen considérait toujours comme une tache dans le tableau, bien qu’il se tînt éloigné d’elle et qu’il ne la regardât jamais en face.

Au moment de se mettre en route, on s’aperçut que les arcs avaient été placés sous la garde du valet de lord Brackenshaw. M. Lush, voulant épargner aux dames la peine d’aller les chercher, se dirigea vers la voiture qui les contenait pour les leur apporter. Gwendolen, dans la crainte qu’il ne voulût aussi se charger du sien, courut en avant pour le prendre. Le valet le lui remit, mais en même temps lui glissa dans la main une lettre à son adresse. Sans faire une question au domestique, elle reconnut, du premier coup d’œil, que l’écriture était celle d’une femme ; mais, voyant venir M. Lush, elle prit une autre direction pour l’éviter et quand elle fut seule, elle ouvrit le pli qui contenait ces mots :

« Si miss Harleth hésite encore à accepter M. Grandcourt, qu’elle quitte sa société et qu’elle vienne seule aux Pierres-Parlantes. Là, elle apprendra une chose qui l’aidera certainement à fixer sa résolution ; mais elle ne la saura qu’à la condition de tenir cette lettre secrète. Si elle ne le fait pas, elle s’en repentira comme s’est repentie la femme qui écrit cette lettre. C’est à l’honneur de miss Harleth que sera confié ce secret. »

Gwendolen ressentit une violente commotion interne ; mais elle se dit aussitôt : « Au moins l’avertissement est arrivé à temps ! » Une seule pensée s’empara d’elle :