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M. Gascoigne se flatta d’être arrivé à un résultat satisfaisant, et d’avoir avancé le mariage de sa nièce avec Grandcourt. Cependant, une autre personne encore s’était émue de la prévision de cet événement et avait mis tout en œuvre pendant cette journée pour qu’il se terminât d’une manière favorable à ses vues, lesquelles, il faut bien le dire, étaient complètement opposées à celles du recteur.

Si M. Lush ne s’était pas trouvé à Diplow lors de la dernière visite qu’y fit Gwendolen, ce n’est pas qu’il eût craint de rencontrer cette hautaine jeune lady, ou qu’il n’eût pas voulu s’exposer à ses marques d’aversion. Il s’était mis en route pour un rendez-vous dont il attendait d’importantes conséquences. Après s’être arrêté à la station de Wancester, il y avait attendu une dame suivie de deux enfants et d’une bonne, qu’il avait ensuite été installer dans un des hôtels de la ville. Cette femme devait produire une impression très forte sur les hommes qui la voyaient ; car ceux qui passaient auprès d’elle ne pouvaient s’empêcher de se retourner pour la regarder encore. Elle était mince et de taille assez élevée ; malgré son visage flétri, sa sculpturale beauté apparaissait encore sous ses cheveux noirs et ses grands yeux inquiets plus noirs encore. Sa mise était d’une élégante simplicité, et, quoiqu’elle eût à peine trente-sept ans, elle en paraissait davantage. Son regard anxieux semblait supposer qu’hommes et choses lui étaient défavorables, mais il disait aussi qu’elle était prête à les braver résolument. Les deux enfants — une charmante petite fille de six ans, et un garçon de cinq ans plus beau encore, — étaient ravissants. Lush ayant imprudemment manifesté sa surprise de ce qu’elle avait amené ses enfants, elle lui dit d’un ton tranchant et même farouche :

— Supposiez-vous donc que je serais venue ici toute seule ? Pourquoi ne les aurais-je pas amenés tous les quatre si j’en avais eu l’envie ?