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— Je commence à croire que mon cavalier m’a oubliée, fit observer Gwendolen ; je vois que l’on se dispose pour le quadrille.

— Il mérite d’être puni.

— Je le trouve fort excusable.

— Il faut qu’il y ait eu un malentendu, dit madame Davilow. M. Clintock tenait trop à ce quadrille pour l’avoir oublié.

Au même instant, lady Brackenshaw accourut et dit :

— Miss Harleth, je suis chargée par M. Clintock de vous exprimer son profond regret de ne pouvoir danser encore avec vous. Son père, l’archidiacre, vient de lui envoyer un exprès pour le rappeler : il s’agit de quelque chose de très important. Il a été obligé de partir sur-le-champ. Il était au désespoir.

— Oh ! il a été bien bon de s’en souvenir dans de telles circonstances, dit Gwendolen. Je suis fâchée qu’il ait été obligé de partir.

Était-elle véritablement fâchée d’un accident si favorable ?

— En ce cas, je puis profiter du malheur de M. Clintock, dit Grandcourt. M’est-il permis d’espérer que vous voudrez bien m’accepter à sa place ?

— Je serai charmée de danser le prochain quadrille avec vous.

Cet accident lui sembla de bon augure, et, quand elle se leva pour aller prendre place dans le quadrille avec Grandcourt, elle se sentit triomphante et de force à briser tous les obstacles qui viendraient s’opposer à sa fantaisie. Nul n’aurait pu marcher le quadrille avec une aisance plus irréprochable que Grandcourt, et son absence de toute attention envers elle, lui plaisait. Il l’avait distinguée, puisqu’il lui avait témoigné son admiration d’une manière exceptionnelle ; elle pourrait donc refuser de l’épouser si elle le voulait. Néanmoins, il lui était agréable de se dire que le