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— Oui, oui, je le crois, et cela doit être fatal pour bien des gens, reprit lord Brackenshaw avec bonne humeur ; puis, regardant de nouveau sa montre et s’adressant à madame Arrowpoint : — Le temps s’écoule et Grandcourt ne vient pas. Mais il est toujours en retard. J’ai remarqué qu’à Londres il arrive toujours après les autres ; il est vrai qu’il n’est pas archer et qu’il ne connaît rien au tir de l’arc. Je lui ai dit qu’il fallait qu’il vînt ; qu’il verrait ici la fine fleur du pays. Il m’a demandé de vos nouvelles ; il avait vu la carte d’Arrowpoint. Je ne crois pas que vous ayez fait sa connaissance à Londres, il a été longtemps à l’étranger. Vous le connaissez peu, je crois ?

— Nous lui sommes étrangers, dit madame Arrowpoint, et ce n’est pas ce à quoi j’aurais dû m’attendre ; car son oncle, sir Hugo Mallinger et moi, sommes grands amis quand nous nous rencontrons.

— Je ne crois pas que les oncles et les neveux soient aussi bien ensemble que les oncles et les nièces, dit Sa Seigneurie en riant et en regardant le recteur. — Venez avec moi, Gascoigne, j’ai un mot à vous dire.

Gwendolen demanda la permission de s’éloigner et alla rejoindre le groupe où se trouvaient sa mère et sa tante, en attendant que revînt son tour de tirer. L’idée que M. Grandcourt pourrait bien ne pas paraître à la réunion ne diminua en rien sa satisfaction. Cependant, malgré les observations satiriques qu’elle avait faites, dans la persuasion que ses parents le croyaient un parti désirable pour elle, l’impression qu’elle voulait produire sur lui était bien éloignée de l’indifférence. Il ne devait, il est vrai, avoir aucun pouvoir sur elle ; elle se le figurait comme un de ces hommes éternellement complimenteurs et admirateurs, dont sa petite expérience avait vu plusieurs types avec des barbes de diverses couleurs et des façons différentes de les porter. Le sentiment que ses parents aspiraient à ce qu’elle le