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pagne, l’un avec des créneaux, l’autre avec une véranda. Je sais aussi qu’au moyen d’un petit meurtre il pourrait obtenir un titre.

L’ironie de ces paroles mit la pauvre madame Davilow à la torture : habituellement elle exprimait ses pensées de la façon la plus innocente. Elle dit cependant d’un ton soucieux :

— Pour l’amour de Dieu, mon enfant, ne parle pas ainsi ! Ce sont les romans qui te donnent de pareilles idées. Quand ta tante et moi, nous étions à ton âge, nous n’avions pas tant de malice, et je crois que cela valait mieux.

— Alors pourquoi ne m’avez-vous pas élevée ainsi, maman ? dit Gwendolen.

Mais, en voyant le regard désolé de sa mère, en entendant un sanglot sortir de sa poitrine, elle comprit qu’elle venait de lui faire une cruelle blessure : elle lança au loin son chapeau, courut se jeter à genoux devant elle et lui dit en pleurant :

— Maman, maman ! ce n’était que pour plaisanter ! je ne pensais pas à mal !

— Ah ! Gwendolen, comment aurais-je pu ! dit la pauvre madame Davilow, incapable d’entendre les excuses de sa fille et versant des larmes amères qui l’empêchaient presque de parler. Ta volonté a toujours été trop forte pour moi ; je n’ai pu faire autrement.

— Chère maman, je ne vous accuse pas, je vous aime ! Comment auriez-vous pu m’empêcher d’être ce que je suis ? D’ailleurs, ne suis-je pas charmante ? Allons, allons, fit-elle en tamponnant les yeux de sa mère avec son mouchoir, séchez vos larmes ; je vous assure que je suis très satisfaite de moi : je m’aime mieux ainsi que si j’étais comme ma tante et vous. Vous deviez être mélancoliques ?

Cette tendre cajolerie calma la mère, ainsi que cela avait lieu chaque fois que de semblables discussions s’élevaient ;