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auquel M. Gascoigne répondit par un signe d’assentiment. — J’en ai fini avec la vie dans cette partie du monde. J’ai la conviction que mon retour à Oxford serait sans utilité ; je ne pourrais plus étudier. J’échouerais et je vous occasionnerais une dépense sans résultat. Je voudrais avoir votre consentement pour embrasser une autre carrière, monsieur.

M. Gascoigne hocha doucement la tête, mais la ligne perpendiculaire de son front se creusa et Anna commença à trembler.

— Si vous vouliez m’accorder un petit pécule, j’aimerais à partir pour les colonies et y travailler à la terre.

— Et moi, je l’accompagnerai, papa, dit Anna ne voulant pas permettre qu’on l’exceptât, même temporairement, de la résolution. — Rex aura besoin de quelqu’un qui prenne soin de lui, qui tienne la maison. Nous n’avons l’intention, ni lui ni moi, de nous marier jamais. Je ne vous coûterai plus rien et j’en serai heureuse. Je sais que ce sera bien pénible de vous quitter ainsi que maman ; mais vous avez les autres enfants à élever, et nous ne serons plus une charge pour vous.

Anna s’était levée et approchée de son père, qui l’attira à lui, l’assit sur ses genoux, et l’y retint, comme s’il voulait qu’elle demeurât en dehors de la question pendant qu’il parlerait à Rex.

— Tu admettras, je suppose, que mon expérience me permet de juger pour toi et de te guider dans la pratique des choses de la vie, mieux que tu ne pourrais le faire toi-même.

— Oui, monsieur.

— Tu admettras bien aussi — quoique je ne veuille pas insister sur ce point — que ton devoir t’ordonne de prendre en considération mon jugement et mes désirs.

— Je ne vous ai jamais fait d’opposition, monsieur, dit