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au Canada ou dans une colonie analogue. (Rex ne s’était pas encore rendu un compte exact du caractère des colonies anglaises.)

— Oh ! Rex, pas pour toujours !

— Si. Je veux y aller gagner ma vie. J’aimerais à y construire ma demeure, à y travailler aux défrichements, et à habiter une contrée sauvage, une immensité tranquille.

— M’emmèneras-tu avec toi ? demanda Anna qui ne pouvait s’empêcher de verser de grosses larmes.

— Comment le pourrais-je ?

— Je le préférerais à tout. Les colons s’en vont avec leurs familles. J’aimerais mieux aller avec toi que de rester en Angleterre ; je soignerais le feu, je raccommoderais tes hardes, je ferais la cuisine ; j’apprendrais à faire le pain avant de partir. Oh ! ce serait bien agréable.

— Papa ni maman ne te laisseraient partir.

— Si fait ; ils y consentiraient après m’avoir entendue. Ce serait une grande économie pour eux, et papa pourrait plus facilement subvenir à l’éducation des garçons.

L’entretien roula longtemps sur ce sujet, si bien qu’à la fin, Rex dut consentir à ce qu’Anna l’accompagnât, lorsqu’ils auraient parlé à leur père. Cette entrevue eut lieu quand le recteur fut seul dans son cabinet. On n’avait pas voulu en parler d’abord à la mère, qu’on aurait trop affligée, mais qui consentirait à tout ce qui serait décidé.

— Eh bien, mes enfants, dit gaiement M. Gascoigne lorsqu’ils entrèrent.

C’était pour lui un grand soulagement de voir Rex de nouveau sur pied.

— Pouvons-nous nous asseoir un peu auprès de vous, papa ? demanda Anna. Rex a quelque chose à vous dire.

— De tout mon cœur.

— Vous savez ce qui m’est arrivé, mon père, dit Rex,