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Myrtes et Cyprès.

Vous qui cherchez ici la calme solitude,
Vous qui fuyez peut-être une existence rude,
Habitant de la ville, étranger, voyageur,
Pourrais-je demander un mot à votre cœur ?…
Vous consentez, je crois, votre menton s’incline.
Écoutez-moi… Je suis une pauvre orpheline ;
Depuis un an j’ai vu mes parents au tombeau.
Je n’accuse point Dieu : lui, si grand et si beau,
Ne pourrait envers nous commettre une injustice.
Ici je viens prier, pour moi c’est un délice
De parler à ma mère en parlant au Seigneur,
Car alors, étranger, je sens moins la douleur.
Voulez-vous maintenant unir votre prière
À celle de l’enfant qui pleure, mais espère ? »
Je fléchis les genoux, je ne répondis pas.
Ma bouche se taisait, mon cœur parlait tout bas,
Et mon œil rencontra le crucifix d’ébène
Qui semblait regarder l’orpheline sereine.


Bellinzona, 20 juillet 1867.