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Myrtes et Cyprès.

Ô que j’étais navré ! Quelle extase cruelle !
Quelle âpre jouissance à te trouver si belle !
Que je le torturais voluptueusement,
Ce misérable cœur de poëte et d’amant !
Tu n’as donc point compris quel était mon supplice,
Que ta main ajoutait du fiel à mon calice,
Que tu m’empoisonnais aux sons mélodieux
Que te doivent prêter les archanges des cieux,
Que les accords plaintifs dont tu berçais mon âme,
À peine ils m’atteignaient, devenaient une flamme,
Perfides ennemis venant me caresser
Pour mieux pouvoir après m’étreindre et m’embraser !
Tu m’as bien fait souffrir, ô femme, être suave !
Tu n’as point épargné cette âme, ton esclave,
Car tu n’exprimais, toi, par l’archet complaisant,
Qu’une fausse douleur, quand je pleurais du sang…
Oh ! faut-il que le bois, la corde ainsi gémisse,
Que ces accents émus n’aient qu’un sanglot factice,
Que, lorsqu’en suppliant l’amour guide tes doigts,
Ton cœur, tes regards même, aux miens restent si froids !