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Myrtes et Cyprès.


Les couteaux sont tirés aux refrains des chansons ;
L’âme quitte le corps, pareille à ces bouchons
Qui volent au plafond en cassant la bouteille,
Et le matin on trouve un buveur qui sommeille
Sur un ennemi mort ou bien agonisant.
Cela se racontait. Maintes fois en flânant,
Comme l’artiste fait à quelque heure perdue,
J’avais porté mes pas vers cette sombre rue,
Et sans y pénétrer j’en devinais assez
Pour sentir aussitôt tout mon sang se glacer.
Cependant le matin de cette nuit fatale
Où j’avais vu souiller mon amour idéale
Je songeai tout d’abord a me rendre en ces lieux :
J’avais soif de vengeance. Aurais-je trouvé mieux
Que parmi les maudits grouillant dans ce repaire
Un moyen aussi prompt que sûr d’y satisfaire ?
Je voulais découvrir Gondal le spadassin,
Le bravo qu’eût blessé le titre d’assassin,
Gondal, par son métier, fort utile au grand monde,
Tuant qui vous vouliez contre une somme ronde.