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LES FUSILLÉS DE MALINES

Des Russes, des Prussiens qui ne nous ont rien fait,
Des chrétiens comme nous, dont l’unique méfait
Consiste à détester comme nous, les Français !
Ce serait un péché, ce serait même un crime,
Plutôt marcher alors contre qui nous opprime.
Ces tyrans ont voulu nous changer en soldats !
Mais c’est pour les chasser que nous armons nos bras !
À bas les Jacobins, assassins de leur roi !
En avant pour la Paix, la Patrie et la Foi !
Plutôt mourir ici qu’ailleurs !

Le Schalk fut obligé de réciter trois fois ces ïambes belliqueuses à son auditoire ravi, subjugué par cette versification rudi­mentaire. Et comme, pareil à ses précur­seurs, les premiers rhapsodes, Rik ne savait écrire ses épopées, le grand clerc Willem la Taupe aligna ces vers ingénus de sa main la plus large et la plus calligraphique.

— Je mets ton nom au bas du morceau ! dit Guillot au poète.

— Non, pas de ça ! Je n’ai fait qu’expri­mer nos sentiments, à nous tous. À toi l’honneur de signer d’abord, objecte le Schalk, montrant autant de désintéresse­ment que de génie.

— Le Schalk a raison ! insiste le Blanc.