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LES FUSILLÉS DE MALINES

de ces phalanges calleuses. Il bégaie, balbutie, un voile lui passe devant les yeux, il va se trouver mal. Heureusement, Chiel le Torse et Guillot la Taupe l’ont vu chanceler et changer de couleur.

Hopsa ! Ils juchent le vieillard sur leurs larges épaules et le portent en triomphe, acclamé par la paroisse et bien d’autres fidèles encore qui lui font escorte, à travers la campagne, jusqu’à la ferme de baes Tuytgen, où il se remettra de cette émotion trop violente.

Revenus au cœur du village, les rustauds se congratulent entre eux. Compagnons de charrue et de lit, prochains frères d’armes se tapent dans la main, se trouvent plus rapprochés encore depuis l’aube et préludent par des simulacres de lutte aux étreintes meurtrières, aux féroces corps à corps avec l’engeance excommuniée. Farauds, ils retroussent leurs manches, se calent, les poings aux reins, se fendent, se cambrent dans des postures avantageuses. Des ennemis feignent de se prendre à la gorge, et, après quelques feintes belliqueuses, de nature à donner le change aux