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LES FUSILLÉS DE MALINES

De nouveau la masse des genoux choqua les dalles. En se martelant la poitrine, les héros des prochains combats psalmodiaient, à l’unisson, les versets que leur lisait le prêtre. Ils s’humiliaient, écrasés par l’honneur qui les attendait, eux, les infimes, eux, les indignes que la grâce avait abandonnés depuis tant d’années ! Et, lorsque le pasteur prononça la formule de l’absolution, lavés de toute macule, purs comme à l’aube de leur baptême, dignes enfin de servir la grande cause, ils se relevèrent allégés, désormais invincibles et même invulnérables, aussi radieux que les élus.

Mais la communion allait leur administrer le suprême confort. Longtemps sevrés de la nourriture spirituelle, ils se ruèrent faméliques et safres vers la Sainte-Table. L’instinct brutal reprenait le dessus. Pour arriver premiers ils se seraient passé sur le corps. Les plus faibles étaient soulevés du sol et portés par les plus solides. Au premier abord on aurait pu croire cette cohue frappée de panique. Rogues et torves, des jurons affleurant aux lèvres, ils joignaient