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LES FUSILLÉS DE MALINES

qu’un squelette ? L’apparition s’agenouilla au pied du tabernacle et deux acolytes, deux garçonnets du village, ceux-ci parfaitement en vie, vinrent se placer de chaque côté du mystérieux desservant. Après une courte prière, il se releva, se tourna vers l’assemblée. En le dévisageant, les fidèles ne purent réprimer un murmure de stupeur mêlée de ravissement. Ce visage émacié qu’achevaient de creuser deux prunelles incandescentes, était celui de leur propre pasteur, le vénérable octogénaire déporté dans les pourrissoirs de Cayenne avec l’archevêque de Frankenberg, primat de Belgique, et les prêtres insermentés du diocèse.

Sous l’empire de cette surexcitation nerveuse où les merveilles remplacent les lois ordinaires, où le surnaturel n’a plus rien que de plausible, ses paroissiens crurent certainement à un miracle, à une résurrection. Et comme le fantôme vénéré étendait ses mains amaigries vers l’assistance et faisait lentement le geste de les bénir, tous simultanément, hommes, femmes, enfants, confondus, tant ceux qui s’écrasaient dans