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LES FUSILLÉS DE MALINES

dormir. Mais ce matin, des tiraillements se produisaient au coin des bouches, les narines frétillaient, les paupières se contractaient, les prunelles se dilataient, les membres avaient des mouvements réflexes, les jambes tricotaient, les poings s’ouvraient et se fermaient, et les gorges étranglées cherchaient leur salive.

Convoqués à cette place par un même mot d’ordre, qu’attendaient-ils, pressés les uns contre les autres, comme des épis dans une meule, avec cette persistance et cette anxiété ? Depuis la soirée on marchait de surprise en surprise. Quel ferment s’ajouterait encore à cette cuvée humaine ?

La porte de la sacristie s’ouvrit lentement. Une longue oscillation se produisit depuis les premiers jusqu’aux derniers rangs de la foule. Appréhendant un prodige, personne ne respirait plus. Deux secondes, trois secondes s’écoulèrent, et une figure de prêtre vêtue seulement d’une soutane et d’un rochet marcha ou plutôt sembla portée vers l’autel. Était-ce un vivant, ce vieillard voûté et chancelant, plus blanc qu’un linceul, aussi décharné