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LES FUSILLÉS DE MALINES

multipliaient et, en moins d’une heure, le pays entier revêtit l’aspect d’un immense bivac. Sur les hauteurs de Heyst-op-den-Berg et de Beersel, seules collines du pays, deux feux de joie déployaient de telles gerbes de flammes que les observateurs redoutèrent d’abord des représailles jacobines et des prouesses de chauffeurs.

Bientôt au faîte des églises, au palier des moulins à vent, des vigies agitèrent des brandons allumés. Tiest Vervloet, ne voulant pas demeurer en reste d’enthousiasme avec ces conjurés lointains, exécuta dans l’air, au risque d’incendier l’empoutrure du clocher, de furieux moulinets avec une de ces torches de galipot qui servaient à éclairer aux musiciens les soirs de bals et de sérénades.

Les autres, là-bas, tout là-bas, répétaient les mêmes signaux. D’un bout à l’autre de l’horizon, fulguraient d’analogues arabesques ; aux échos des clameurs se mêlaient des répercussions de lumière, et ces caractères de feu traçaient peu à peu sur le ciel d’un gris d’ardoise, un alphabet d’héroïsme et d’épopée.