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LES FUSILLÉS DE MALINES

engraisseurs faisaient les succulentes nourritures, ces parvenus sifflaient après les marchés fameux, plus de champagne qu’ils ne lampaient de bière, — c’est surtout passé Pasbrug, après avoir traversé cette banlieue bouffie, crevant dans sa graisse, puant la bouse et le beurre, que la région légendaire vous étreint, vous capte et vous hallucine.

Rien ne m’est plus cher, dans son âcre et rêche saveur, que cette étendue de garigues mamelonnées çà et là de dunes sablonneuses, enserrée dans les sapinières dont le vert jaspé tranche sur le gris uniforme de la plaine. Des laies droites et myriamétriques traversent ces futaies rigides, s’enfoncent à perte de vue et se coupent de lieue en lieue, pour ménager d’imprévus et mystérieux carrefours, où le poète errant est tenté de s’agenouiller comme le fidèle au centre de la croix formée par la nef et le transept des cathédrales.

À la différence des agglomérations du pays fertile, dans cette région les villages ne se rapprochent et ne voisinent pas. Quelques écarts aux noms rogues : Bon-