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LES FUSILLÉS DE MALINES

Depuis les événements de la fin de l’autre siècle, il n’a pas changé. J’y vaguais récemment, en m’en assimilant la durable intransigeance contre laquelle ne prévalent ni l’hypocrisie provinciale, ni l’urbanité voltairienne. Les terres vaines l’emportent encore aujourd’hui sur les cultures. Ces landes d’une présence si suggestive et si mélancolique prédisposent à la rêverie, au recueillement, aux visions rétrospectives, à une sorte d’examen de conscience historique. Au milieu de cette nature inviolée on évoque le passé, on devine des fastes obscurs et tragiques.

Pas de plus saisissante antithèse que celle de ce décor ravagé et atrabilaire, avec les noues et les pacages avoisinants de la Dyle et de la Nèthe, favorables aux plantureux nourrissages, et avec la ville même de Malines que la rivière limoneuse, des bras morts, des canaux et de nombreux fossés entretiennent dans une claustrale humidité.

C’est surtout en gagnant Bonheyden par la bourgade de Neckerspoel, habitacle de gros vachers où, durant les époques prospères de l’élevage, lorsque laitiers et