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LES FUSILLÉS DE MALINES

heure avancée, d’ordinaire si calme, plus recueillie que partout ailleurs ; ici, dans cette contrée paisible entre toutes, des bourdonnements insolites annonçaient le passage d’un immense essaim d’abeilles. Mais en octobre, la Bruyère a cessé de fleurir et les sphynx seuls butinent pendant la nuit ! À l’exemple de Tiest l’Oiseleur, les quatre paroissiens de Bonheyden s’étendirent à plat ventre, l’oreille collée au sol. Le murmure anormal gonfla, s’accrut, devint un souffle de rafale emplissant les espaces lointains. Les ondes sonores s’élargirent et se déployèrent sur la plaine immense. Et familiarisés avec ce tintamarre, nos paysans y démêlèrent peu à peu des roulements de tambours, des sonneries de trompes rustiques, les stridences du fifre, des aboiements de chiens, des percussions d’armes à feu et jusqu’à des vivats et des huées.

Mais ce qui dominait, c’était le tintement continu et précipité des cloches. Toutes les campanes du pays semblaient convoquées à ce carillon nocturne. Quelle turbulence s’emparait de ces voix solennelles ou sereines ! On les brimbalait, on les coptait à