Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
LES FUSILLÉS DE MALINES

usage, au sein de cette multitude qui réduisait leurs bras à l’impuissance. La confusion était telle, qu’en jouant du couteau ou du sabre on eût risqué d’éventrer un ami. Même dans des circonstances favorables, la guerre des rues n’aurait pas convenu à ces villageois.

Mais les conjonctures présentes étaient désastreuses. Les consciences sombraient dans un rapide de lâcheté. Terrifiés par l’implacable physionomie des pavés et des murailles, la plupart de ces ruraux, si braves d’ordinaire, perdirent le courage en même temps que la présence d’esprit et se portèrent pitoyablement vers les soldats, à la suite des suppliants urbains. Leur accoutrement, leur parler, le hâle de leurs faces, leurs mains cortiqueuses proclamaient leurs accointances avec la sédition, et les gardes les culbutaient parmi les bien vivants destinés au supplice.

Toutefois, il s’en fallait que tous fussent démoralisés à ce point. La mesure adoptée par Béguinot pour trier les suspects, eut pour conséquence de réveiller l’énergie chancelante des vaillants. Une partie de la