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LES FUSILLÉS DE MALINES

mobiles aux issues de la place, le sabre au clair, balafrant leur droite d’une strie blafarde et miroitante, depuis la cuisse jusqu’à l’épaule, avec leur casque de cuivre jaune à chenille rouge, à crinière noire aussi longue qu’une chevelure d’amazone, moustachus, sourcilleux, chaussés débottés longues, roides dans leur habit bleu et leurs culottes en peau de daim, la brume automnale qu’épaissit l’haleine et la transpiration des montures outrées par la galopade, leur prête un mystère inquiétant, et ils évoquent de démesurées statues équestres. À leur aspect, le peuple angoissé leur attribue un pouvoir occulte qui ne lui laisse aucun espoir de salut. Ce calme, cet arrêt est le répit, la minute de grâce accordée aux victimes. Les dispositions sont prises pour un massacre général. L’enfer a lâché ses mauvais archanges.

Trois rues restent encore ouvertes ; rues tellement étroites que quatre hommes n’y pourraient passer de front. L’instinct de la conservation reprenant le dessus, les désespérés s’y jettent à la fois. Ils s’en disputent l’accès à coups de poings. Plutôt que de se