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reconnaissance. Abandonner Tigre dans la caisse était une pensée que nous ne pouvions supporter ni l’un ni l’autre. Cependant, pouvions-nous agir autrement ? Là était la question. Celui-ci semblait maintenant parfaitement calme, et, en appliquant notre oreille tout contre la caisse, nous ne pouvions même pas distinguer le bruit de sa respiration. J’étais convaincu qu’il était mort, et je me décidai à ouvrir la porte. Nous le trouvâmes couché tout de son long, comme plongé dans une profonde torpeur, mais vivant encore. Nous n’avions certainement pas de temps à perdre, et cependant je ne pouvais pas me résigner à abandonner, sans faire un effort pour le sauver, un animal qui avait été deux fois l’instrument de mon salut. Avec une fatigue et une peine inouïes, nous le traînâmes donc avec nous ; Auguste étant contraint, la plupart du temps, de grimper par-dessus les obstacles qui obstruaient notre voie avec l’énorme chien dans ses bras, — trait de force et d’adresse dont mon affreux épuisement m’aurait rendu complètement incapable. Nous réussîmes enfin à atteindre le trou, à travers lequel Auguste passa le premier ; puis Tigre fut poussé dans le gaillard d’avant. Tout était pour le mieux, nous étions sains et saufs, et nous ne manquâmes pas d’adresser à Dieu des grâces sincères pour nous avoir si merveilleusement tirés d’un imminent danger. Pour le présent il fut décidé que je resterais près de l’ouverture, à travers laquelle mon camarade pourrait aisément me faire passer une partie de sa provision journalière, et où j’aurais l’avantage de respirer une atmosphère plus pure, je veux dire relativement pure.