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Il était à peu près six heures du matin quand le coup de temps arriva, du nord comme d’habitude, avec une rafale qu’aucun nuage n’avait annoncée. À huit heures, le vent s’était considérablement accru et avait lâché sur nous une des plus effroyables mers que j’aie jamais vues. On avait tout serré, aussi bien que possible, mais la goëlette fatiguait horriblement et montrait son impuissance à bien tenir la mer, piquant violemment de l’avant à chaque fois qu’elle descendait sur la lame, et remontant avec la plus grande difficulté en attendant qu’elle fût engloutie par une lame nouvelle. Juste avant le coucher du soleil, l’éclaircie que nous attendions avec inquiétude apparut au sud-ouest, et une heure plus tard notre unique petite voile d’avant ralinguait contre le mât. Deux minutes après, nous étions, en dépit de toutes nos précautions, jetés sur le côté comme par magie, et un effroyable tourbillon d’écume venait briser sur nous par le travers. Par grand bonheur, il se trouva que le coup de vent du sud-ouest n’était qu’une rafale momentanée, et nous eûmes la chance de nous relever sans avoir perdu un espars. Une grosse mer creuse nous causa pendant quelques heures encore beaucoup d’inquiétude ; mais vers le matin nous nous trouvâmes à peu près dans d’aussi bonnes conditions qu’avant la tempête. Le capitaine Guy jugea que nous l’avions échappé belle et que notre salut était presque un miracle.

Le 13 octobre, nous arrivâmes en vue de l’île du Prince Édouard, par 46° 53′ de latitude sud et 37° 46′ de longitude est. Deux jours après, nous nous trouvions près de l’île de la Possession ; nous doublâmes bientôt les îles