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gances et des mêmes imbécillités ; — c’est là un point qu’il m’est impossible de vérifier.

Vers midi, Parker déclara qu’il voyait la terre du côté de bâbord, et j’eus toutes les peines du monde à l’empêcher de se jeter à la mer pour gagner la côte à la nage. Peters et Auguste ne firent pas grande attention à ce qu’il disait ; ils semblaient tous deux ensevelis dans une contemplation morne. En regardant dans la direction indiquée, il me fut impossible d’apercevoir la plus légère apparence de rivage : — d’ailleurs je savais trop bien que nous étions loin de toute terre pour m’abandonner à une espérance de cette nature. Il me fallut néanmoins beaucoup de temps pour convaincre Parker de sa méprise. Il répandit alors un torrent de larmes, pleurnichant comme un enfant, avec de grands cris et des sanglots, pendant deux ou trois heures ; enfin, épuisé par la fatigue de son désespoir, il s’endormit.

Peters et Auguste firent alors quelques efforts inefficaces pour avaler des morceaux de cuir. Je leur conseillai de chiquer le cuir et de le cracher, mais ils étaient trop affreusement affaiblis pour exécuter mon conseil. Je continuai à mâcher des morceaux par intervalles, et j’en tirai quelque soulagement ; mais ma principale souffrance était la privation d’eau, et je ne résistai à l’envie de boire de l’eau de mer qu’en me rappelant les horribles conséquences qui en étaient résultées pour d’autres individus placés dans les mêmes conditions que nous.

Le jour s’écoula de cette façon, quand je découvris soudainement une voile à l’est, dans la direction de notre avant, du côté de bâbord. C’était, à ce qu’il me semblait,