Je ne sais plus. Ces choses ne m’intéressent pas le soleil me reste et la route me tente. Ce serait pour un peu toute une philosophie. Plus près de moi, j’avais eu l’occasion de voir grandir, dans une âme que je croyais plus affranchie, une passion pure et forte, et je disais à mon ami : « Prenez garde, quand on est heureux on ne comprend plus rien aux souffrances des autres.» Il partit vers le bonheur, du moins le croyait-il, et moi vers ma destinée. maintenant je me suis éloignée, et je sens mon âme redevenir plus saine, naïvement ouverte à toutes les joies, à toutes les sensualités délicates des yeux et du rêve. Je retrouve dans la seule rue arabe du village des impressions calmes de « chez moi », qui datent du mois de ramadhân, l’an passé. Beaucoup de visages connus, sur les bancs et sur les nattes, devant les cahouadji. Beaucoup de saluts à échanger amicalement. Et, avec cela, la joie intime de penser que je vais partir demain, dès l’aube, et quitter toutes ces choses, qui pourtant me plaisent ce sbir et me sont douces. Mais qui donc, sauf un nomade, un vagabond, pourrait comprendre cette double jouissance ? Le cœur encore ému de tout ce qui m’avait prise
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